Jean-Claude Herniou DO DGBM
I. - Généralités |
sommaire |
Depuis de nombreuses années certains professionnels de la
santé ostéopathes, médecins, dentistes,
physiothérapeutes (kinésithérapeutes), étiopathes,
chiropracteurs, etc. cherchent à justifier certaines
pratiques opératoires manuelles au niveau du crâne
humain afin de crédibiliser les résultats cliniques
qu'ils obtiennent. Le travail statistique en simple
aveugle qu'ils fournissent dans leurs publications, en
général par comparaison des échecs et des résultats
obtenus avec leurs patients, semble plus qu'encourageant.
Tous ces praticiens se sont intéressés à une thérapeutique
de mobilisations passives (cinèses manuelles passives)
de la boîte crânienne à partir de ses éléments
osseux, notamment de la géométrie et de l'histologie
particulière des sutures crâniennes.
Cette pratique crânienne appelée "thérapie
crânio-sacrée" ou "ostéopathie
crânienne" anticipe en fait, au stade des
sensations de mobilité des os du crâne, sur les
connaissances du déterminisme structurel de la boîte
crânienne, que la médecine officielle et les traités
d'anatomie ne précisent pas.
Le premier, WG Sutherland, au début de ce siècle, aborda
cette hypothèse de finalité des biseaux et des dents
des sutures qui évoquent par leur constitution le
principe de mobilité des os sous l'influence supposée
de la pression et de la fluctuation du liquide
céphalo-rachidien (ou LCR).
Sutherland attribuera même à ce système complexe, sorte de
polygone des causes (géométriques-mécaniques à effet
réciproques) des phases de dilatation et de contraction.
Il appellera ce système MRP ou Mécanisme Respiratoire
Primaire (primaire = existant in utero, avant la
respiration ou ventilation costo-diaphragmatique dont il
en serait le starter !...).
Dans ce contexte, à la suite des travaux effectués à
l'Université de Californie à Pomona (V Fryman, 1965),
en Suisse (Altiéri 1974-1984) et à l'Université du
Michigan à East-Lansing (E. Retzlaff, J. Upledger, F.
Mitchell, Z. Karni, 1979-80), - auxquels j'ai pu assister
sur invitation de J. Upledger - je présente ici une
synthèse sommaire des différents travaux scientifiques
que j'ai effectués à l'Université, entre 1985 et 1992,
qui m'ont permis de :
Les résultats présentés montrent une assez bonne adéquation entre les estimations théoriques par modélisation MEF et les mesures par expérimentations sur les têtes de moutons.
II. - Détermination des propriétés mécaniques statiques obtenues sous contraintes |
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L'os est un milieu mécaniquement anisotrope : ses
caractéristiques mécaniques diffèrent donc suivant les
directions.
La mise sous contrainte d'éléments précis du crâne
montre qu'il existe une bonne adéquation avec la
théorie de la déformation des poutres par :
A partir des courbes obtenues, connaissant la largeur de l'échantillon, il m'a été possible de déterminer, pour une pression donnée (Po), une valeur de déplacement vertical (Do), en choisissant une longueur donnée (Lo).
III. - Propriétés mécaniques dynamiques obtenues par utilisation des ultra-sons |
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L'os crânien et sa suture influent sur l'énergie des ondes ultrasonores par plusieurs facteurs :
Diffusion et absorption sont responsables de l'atténuation des ondes approchées par une formule type :
I(d,f)=lofe- a(f)d
d) : distance parcourue, (f) : fréquence, (I) et Io) :
intensités.
La constante a dépend du milieu considéré.
Dans le cas du crâne l'atténuation peut dépasser 10 dB.cm-1.Mhz-1
Par réponse acoustique de la boite crânienne, connaissant
la vitesse des ondes et la masse volumique du matériau
traversé, des relations mathématiques permettent de
calculer les modules d'élasticité dynamique et les
coefficients de déformabilité.
Cependant, il faut tenir compte du fait que pour une même structure
le module d'élasticité dynamique augmente en proportion
de la vitesse des ondes (conditions adiabatiques).
Différentes mesures ont donc été effectuées avec des transducteurs
de fréquence échelonnées de 200 KHz à 1 MHz.
IV. - Modélisation par la Méthode des Éléments finis |
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Nous
savons que les modules dynamiques sont toujours plus
grands que les modules statiques.
Aussi,
pour la modélisation qui va suivre, j'ai utilisé
volontairement les modules d'élasticité et les
coefficients de déformabilité statiques pour obtenir
des estimations de mobilité minimales entre les sutures
et les os.
Les
propriétés mécaniques des os in vivo sont
intermédiaires entre les deux modes d'expérimentations
précédentes.
Dans
les années 70, des études sur les propriétés
mécaniques des os longs humides (in vivo et post-mortem)
sur des animaux et des hommes, m'ont permis d'estimer
avec une grande sécurité, par calcul et conversion, les
propriétés mécaniques qui nous intéressent.
Pour
les calculs qui vont suivre, je décrirai successivement
(1) la
méthodologie, (2) le matériel utilisé, et (3) les
résultats obtenus. Enfin, (4) une remarque sur le LCR si
"cher" aux ostéopathes et en (5), conclusions.
1) Méthodologie | sommaire |
2) Matériel | sommaire |
3) Résultats | sommaire |
1) Estimation du déplacement
: suture modélisée type harmonique.
La géométrie retenue est celle du type "poutre"
(fig. II 8 a).
Par symétrie, la modélisation peut s'effectuer sur une
demi-poutre
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Dans la (figure 1) une seule rangée d'éléments d'élasticité plane linéaires (EPL) a été retenue pour modéliser la suture, la force normale étant appliquée au milieu de celle-ci |
Dans la (figure 2) déformée avec 4 rangées d'éléments (EPL), on trouve : D sut = 41,65 microns D os : 25 microns |
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2) Estimation du déplacement : suture modélisée type "biseau". | sommaire |
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En modélisant (figure 3) avec des éléments d'élasticité plane linéaires (EPL T3 et Q4) on trouve : |
La déformée (figure 4) D os = 6,49 microns (force appliquée sur le biseau osseux interne). D sut = 25 microns (la force étant appliquée sur le biseau osseux externe). |
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Avec une représentation couleur des lignes iso-forces (figure 5), on peut constater un très fort gradient de contraintes sur la suture suivant ses deux directions privilégiées Dans la dimension principale, le haut est en compression, le bas en traction perpendiculairement à la grande dimension, le gradient de contrainte est très fort. |
Toujours en mode iso-couleur, la
(figure 6) montre que la répartition des
déformations est maximum sur le haut de la
suture, là où se localise le maximum du
gradient de contrainte. |
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3) Estimation de déplacement : suture, modélisée type dentée | sommaire |
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Deux plaques osseuses avec
interpénétration (figure 7). |
Avec les sorties iso-couleurs, on constate que la déformation est presque entièrement confinée dans la suture avec des maxima aux pointes tant pour la face supérieure que pour l'inférieure (figures 8 et 9). |
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Ceci confirme les observations cliniques et palpatoires d'Upledger (1983). |
Quant à la répartition des contraintes, elle montre (figures 10 et 11) qu'il n'existe ici aucun gradient de contrainte dans les zones osseuses qui s'interpénètrent. |
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Les contraintes dans la suture sont homogènes et assez faibles. |
Reproduit avec l'autorisation de Jean Claude HERNIOU