Résumé des travaux de biomécanique des os du crâne

Jean-Claude Herniou DO DGBM


SOMMAIRE

  1. Généralités
  2. Détermination des propriétés mécaniques statiques obtenues sous contraintes
  3. Propriétés mécaniques dynamiques obtenues par utilisation des ultra-sons
  4. Modélisation par la Méthode des Éléments finis
    1. Méthodologie
    2. Matériel
    3. Résultats
      1. Estimation du déplacement : suture modélisée type harmonique
      2. Estimation du déplacement : suture modélisée type "biseau"
      3. Estimation de déplacement : suture modélisée type dentée

I. - Généralités

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Depuis de nombreuses années certains professionnels de la santé ostéopathes, médecins, dentistes, physiothérapeutes (kinésithérapeutes), étiopathes, chiropracteurs, etc. cherchent à justifier certaines pratiques opératoires manuelles au niveau du crâne humain afin de crédibiliser les résultats cliniques qu'ils obtiennent. Le travail statistique en simple aveugle qu'ils fournissent dans leurs publications, en général par comparaison des échecs et des résultats obtenus avec leurs patients, semble plus qu'encourageant.
Tous ces praticiens se sont intéressés à une thérapeutique de mobilisations passives (cinèses manuelles passives) de la boîte crânienne à partir de ses éléments osseux, notamment de la géométrie et de l'histologie particulière des sutures crâniennes.
Cette pratique crânienne appelée "thérapie crânio-sacrée" ou "ostéopathie crânienne" anticipe en fait, au stade des sensations de mobilité des os du crâne, sur les connaissances du déterminisme structurel de la boîte crânienne, que la médecine officielle et les traités d'anatomie ne précisent pas.
Le premier, WG Sutherland, au début de ce siècle, aborda cette hypothèse de finalité des biseaux et des dents des sutures qui évoquent par leur constitution le principe de mobilité des os sous l'influence supposée de la pression et de la fluctuation du liquide céphalo-rachidien (ou LCR). Sutherland attribuera même à ce système complexe, sorte de polygone des causes (géométriques-mécaniques à effet réciproques) des phases de dilatation et de contraction. Il appellera ce système MRP ou Mécanisme Respiratoire Primaire (primaire = existant in utero, avant la respiration ou ventilation costo-diaphragmatique dont il en serait le starter !...).
Dans ce contexte, à la suite des travaux effectués à l'Université de Californie à Pomona (V Fryman, 1965), en Suisse (Altiéri 1974-1984) et à l'Université du Michigan à East-Lansing (E. Retzlaff, J. Upledger, F. Mitchell, Z. Karni, 1979-80), - auxquels j'ai pu assister sur invitation de J. Upledger - je présente ici une synthèse sommaire des différents travaux scientifiques que j'ai effectués à l'Université, entre 1985 et 1992, qui m'ont permis de :

Les résultats présentés montrent une assez bonne adéquation entre les estimations théoriques par modélisation MEF et les mesures par expérimentations sur les têtes de moutons.


II. - Détermination des propriétés mécaniques statiques obtenues sous contraintes

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L'os est un milieu mécaniquement anisotrope : ses caractéristiques mécaniques diffèrent donc suivant les directions.
La mise sous contrainte d'éléments précis du crâne montre qu'il existe une bonne adéquation avec la théorie de la déformation des poutres par : 

A partir des courbes obtenues, connaissant la largeur de l'échantillon, il m'a été possible de déterminer, pour une pression donnée (Po), une valeur de déplacement vertical (Do), en choisissant une longueur donnée (Lo).


III. - Propriétés mécaniques dynamiques obtenues par utilisation des ultra-sons

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L'os crânien et sa suture influent sur l'énergie des ondes ultrasonores par plusieurs facteurs : 

Diffusion et absorption sont responsables de l'atténuation des ondes approchées par une formule type : 

I(d,f)=lofe- a(f)d

d) : distance parcourue, (f) : fréquence, (I) et Io) : intensités.
La constante a dépend du milieu considéré. Dans le cas du crâne l'atténuation peut dépasser 10 dB.cm-1.Mhz-1
Par réponse acoustique de la boite crânienne, connaissant la vitesse des ondes et la masse volumique du matériau traversé, des relations mathématiques permettent de calculer les modules d'élasticité dynamique et les coefficients de déformabilité.
Cependant, il faut tenir compte du fait que pour une même structure le module d'élasticité dynamique augmente en proportion de la vitesse des ondes (conditions adiabatiques).
Différentes mesures ont donc été effectuées avec des transducteurs de fréquence échelonnées de 200 KHz à 1 MHz.


IV. -  Modélisation par la Méthode des Éléments finis

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Nous savons que les modules dynamiques sont toujours plus grands que les modules statiques.
Aussi, pour la modélisation qui va suivre, j'ai utilisé volontairement les modules d'élasticité et les coefficients de déformabilité statiques pour obtenir des estimations de mobilité minimales entre les sutures et les os. Les propriétés mécaniques des os in vivo sont intermédiaires entre les deux modes d'expérimentations précédentes.
Dans les années 70, des études sur les propriétés mécaniques des os longs humides (in vivo et post-mortem) sur des animaux et des hommes, m'ont permis d'estimer avec une grande sécurité, par calcul et conversion, les propriétés mécaniques qui nous intéressent. Pour les calculs qui vont suivre, je décrirai successivement (1) la méthodologie, (2) le matériel utilisé, et (3) les résultats obtenus. Enfin, (4) une remarque sur le LCR si "cher" aux ostéopathes et en (5), conclusions.

1) Méthodologie sommaire
2) Matériel sommaire
3) Résultats sommaire

1) Estimation du déplacement : suture modélisée type harmonique. La géométrie retenue est celle du type "poutre" (fig. II 8 a).
Par symétrie, la modélisation peut s'effectuer sur une demi-poutre

Figure 1
Figure 1

Dans la (figure 1) une seule rangée d'éléments d'élasticité plane linéaires (EPL) a été retenue pour modéliser la suture, la force normale étant appliquée au milieu de celle-ci

Dans la (figure 2) déformée avec 4 rangées d'éléments (EPL), on trouve : 

D sut = 41,65 microns D os : 25 microns

Figure 2 : cliquez pour agrandir l'image
Figure 2

2) Estimation du déplacement : suture modélisée type "biseau". sommaire

Figure 3
Figure 3

En modélisant (figure 3) avec des éléments d'élasticité plane linéaires (EPL T3 et Q4) on trouve :

La déformée (figure 4) D os = 6,49 microns (force appliquée sur le biseau osseux interne).

D sut = 25 microns (la force étant appliquée sur le biseau osseux externe).

Figure 4
Figure 4

Figure 5
Figure 5

Avec une représentation couleur des lignes iso-forces (figure 5), on peut constater un très fort gradient de contraintes sur la suture suivant ses deux directions privilégiées Dans la dimension principale, le haut est en compression, le bas en traction perpendiculairement à la grande dimension, le gradient de contrainte est très fort.

Toujours en mode iso-couleur, la (figure 6) montre que la répartition des déformations est maximum sur le haut de la suture, là où se localise le maximum du gradient de contrainte.
La suture résorbe donc l'essentiel de la déformation, l'os ne se déformant pratiquement pas : la suture biseautée a donc un rôle d'amortisseur.

Figure 6
Figure 6

3) Estimation de déplacement : suture, modélisée type dentée sommaire

Figure 7
Figure 7

Deux plaques osseuses avec interpénétration (figure 7).
Pour simplifier le calcul on choisit 2 dents avec éléments en coques épaisses quadratiques (T6 et Q8).
La force est appliquée au milieu de la "poutre" et donc répartie entre l'os et la suture. On trouve D sut : 22,44 microns.

Avec les sorties iso-couleurs, on constate que la déformation est presque entièrement confinée dans la suture avec des maxima aux pointes tant pour la face supérieure que pour l'inférieure (figures 8 et 9).

Figure 8
Figure 8

Figure 9
Figure 9

Ceci confirme les observations cliniques et palpatoires d'Upledger (1983).

Quant à la répartition des contraintes, elle montre (figures 10 et 11) qu'il n'existe ici aucun gradient de contrainte dans les zones osseuses qui s'interpénètrent.

Figure 10
Figure 10

Figure 11
Figure 11

Les contraintes dans la suture sont homogènes et assez faibles.

Reproduit avec l'autorisation de Jean Claude HERNIOU